Plus d’autonomies pour faire face aux crises

Face au contexte d’incertitudes et le désarroi vécu actuellement par le monde agricole, nous pensons important de revenir sur la notion « d’autonomie » qui se veut être le cœur de notre vision de la gestion des exploitations agricoles.

Qu’entendons-nous par autonomie ?

La notion d’autonomie est à la fois la capacité d’être maître de ses choix, de ses décisions et la possibilité d’exercer cette capacité. Dit autrement, c’est ne pas laisser les autres décider à sa place et garder un système en phase avec ses objectifs !

Face à une conjoncture de plus en plus instable, la fin des quotas, la réforme de la Pac, les incidents climatiques, sanitaires… pour maintenir le cap dans une exploitation, l’autonomie est primordiale.

Si l’autonomie alimentaire est souvent évoquée, il ne faut pas perdre de vue qu’avant tout, se sont les hommes et les femmes qui sont au centre de l’entreprise et qui doivent être les décisionnaires.

L’agriculteur reste et doit rester maître à bord car c’est lui qui engage et s’engage pour plusieurs années.

Les responsables d’exploitation doivent prendre le temps de s’arrêter et de réfléchir : « Où est-ce que je vais ? ». Ne pas prendre de recul peut vite être dangereux. Si tous les facteurs ne sont pas connus et maîtrisables, ils doivent au moins être cohérents avec les objectifs du ou des chefs d’exploitation. Il n’est pas toujours facile de réfléchir seul, les structures collectives de réflexion permettent d’y voir plus clair.

On peut distinguer 3 formes d’autonomie :

1 - L’autonomie décisionnelle qui est la capacité de l’agriculteur à analyser les atouts et contraintes externes (contexte agricole et économique) et internes (contexte pédoclimatique, savoir-faire du paysan…) de son exploitation afin de choisir les modes de production, de commercialisation et de financement qui répondront efficacement à ses objectifs (par ex : accroître le revenu, dégager du temps libre…).

2 - L’autonomie économique est la capacité à dégager un revenu disponible suffi sant qui rémunère le travail et assure l’autofinancement de l’entreprise.

3 - L’autonomie technique mesure le lien aux fournisseurs. La plus ou moins grande dépendance dans l’achat des approvisionnements entraîne une plus ou moins grande vulnérabilité économique (dépendance par rapport aux prix) et technique (moindre maîtrise de la composition des aliments…).

Que permet la comptabilité – gestion en terme d’autonomie ?

Parfois les décisions de gestion doivent être prises rapidement. Certains problèmes peuvent être anticipés
(découvert bancaire…) à condition d’évaluer à l’avance l’évolution de la situation de l’exploitation. Il faut connaître le marché, sa production, ses clients, sa situation financière…

Sur le long terme, des questions clés se posent et méritent une réflexion approfondie :
A qui vendre ? Sous quelle forme ? A quel prix ? Quel est mon coût de revient ?
Faut-il emprunter ou utiliser ses économies pour financer un nouvel investissement ?
Aurai-je assez de trésorerie ? Doit-on demander un prêt ?
Doit-on accepter une subvention, sachant les obligations liées ?
Puis-je financer un salarié ?

L’acquisition des notions de gestion et de comptabilité permettent l’analyse des données nécessaires pour répondre à ces questions.

S’il est possible de faire appel à un « expert », l’agriculteur est le seul à avoir tous les éléments en main, rapidement, pour mesurer la situation et prendre la meilleure décision. Faire soi-même sa comptabilité est souhaitable, mais il faut avant tout savoir à quoi elle sert et donc acquérir des notions de gestion.

L’autonomie, ce n’est pas uniquement de faire soi-même la saisie de ses factures. Cela y contribue, mais c’est bien insuffisant ! Et il est aussi bien sûr possible d’être autonome dans ses choix et ses décisions sans pour autant faire la saisie de ses factures, à conditions d’avoir les outils pour lire et analyser ses documents de gestion !

La recherche d’autonomie nécessite aussi une réflexion globale sur son exploitation et passe souvent par de nouveaux modes de production. Il est plus facile d’être autonome lorsque l’on travaille avec un volume de production maîtrisé et des ateliers à taille humaine.

L’optimisation des outils de production doit se faire avant tout selon les contraintes de l’exploitation – sans oublier d’intégrer l’aspect main-d’oeuvre – et en lien avec les objectifs du ou des chefs d’exploitation. Toute incohérence se traduira sur les performances techniques et donc économiques.

Pour être plus autonome économiquement, l’agriculteur doit améliorer sa « marge nette » à l’unité produite, c’est-à-dire diminuer ses charges et/ou mieux valoriser ses produits.

Il devient alors inévitable de connaître son prix d’équilibre, le coût de revient et d’anticiper les besoins de trésorerie de l’exploitation. Ces données aideront à prendre des décisions.

Autonomie ne signifie pas autarcie

Au contraire, l’autonomie repose pour une grande part sur l’échange, le travail en commun, la complémentarité avec les autres producteurs et acteurs locaux. Il s’agit de valoriser au maximum les ressources humaines, techniques et financières présentes localement.

Nous vivons actuellement, y compris en agriculture, une « révolution » numérique qui tend à vouloir  dématérialiser de nombreuses procédures et déclarations (impôts, PAC, …). En soi, la dématérialisation des procédures n’a que peu d’impact sur l’autonomie. Le numérique peut au contraire favoriser l’accès à plus d’informations et aider l’analyse de ces données. Mais il faut cependant rester vigilant et continuer de maitriser l’ensemble des informations de son exploitation nécessaire à la prise de décision, et ne pas se faire déposséder de ses propres données qui peuvent aussi être utilisées à d’autres fins…

Face à la crise des mondes agricoles, le constat que nous faisons est sans appel. La crise touche avant tout les agriculteurs les moins autonomes souvent piégés par des structures amont et aval qui leur ont enlevé leur liberté de choisir (leur autonomie).

Plus les agriculteurs sont autonomes (dans les choix, les intrants, les finances, les modes de production et de commercialisation, …) et moins ils sont sensibles et vulnérables aux crises agricoles.

Car sans autonomie, les marges de décision sont faibles…