COP 21

La COP 21 vient de se terminer. Difficile de passer à côté ! Souvent accusée de tous les maux, l’agriculture se doit d’être une solution face aux défi s du changement climatique.

L’agriculture doit répondre à un triple défi :
• Nourrir 9 milliards d’habitants en 2050,
• Limiter l’empreinte des activités agricoles sur l’effet de serre,
• Adapter les pratiques et les systèmes aux évolutions du climat.

Les impacts du changement climatique se font déjà sentir sur l’agriculture. Dans la plupart des régions du monde, une stagnation des rendements agricoles est observée pour certaines cultures. Le Groupe international d’experts sur le climat (Giec) a démontré que la survenue des phénomènes extrêmes (sécheresses, inondations…), conduirait à la réduction des rendements, mettant en cause directement la productivité agricole et la capacité que le monde aura à se nourrir.

L’agriculture est également contributrice du changement climatique à hauteur de 18,6 %. Mais elle est aussi et surtout une solution, car l’agriculture a un potentiel de réduction des émissions qui est estimé de 20 à 60 % d’ici 2030.

Certaines pratiques agricoles permettent de réduire considérablement les émissions. Comme par exemple, toutes les pratiques agro-écologiques liées à l’utilisation de cultures de couverture, l’allongement des rotations, le non labour et le semis direct qui permettent de stocker plus de carbone dans le sol
sous forme de matières organiques, ce qui est bon pour la fertilité des sols et les rendements ! C’est ce qui permet également de réduire l’utilisation d’intrants et notamment de fertilisants.

Le projet « 4 pour 1 000 : les sols pour la sécurité alimentaire et le climat » peut en être une bonne illustration. Cette initiative vise à encourager l’évolution des systèmes agricoles pour augmenter la teneur en matière organique et renforcer la séquestration du carbone. Des sols plus riches en matière organique sont plus fertiles et productifs, résistent mieux à l’érosion et aux dérèglements climatiques et permettent de contribuer à l’atténuation du changement climatique en séquestrant des quantités importantes de carbone.

Des techniques sont possibles pour respecter les écosystèmes tout en augmentant le taux de matière organique dans les sols : le maintien et le développement des prairies permanentes grâce au pâturage des ruminants, la multiplication des haies et des bandes enherbées, le développement de l’agroforesterie, etc.
 
Certes, la séquestration du carbone est importante à prendre en compte. Mais ce critère ne doit pas être le
seul. Un bon taux de séquestration de carbone dans les sols ne devra pas nous dédouaner de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole.

Enfin, il ne faudra pas perdre de vue les conséquences économiques de ces adaptations de pratiques trop souvent perçues comme de nouvelles contraintes. Des accompagnements seront nécessaires pour expliquer et avancer progressivement. Par exemple, décriée lors de sa mise en place, la couverture des sols en hiver a aussi montré des avantages économiques certains.

Crise de l’élevage

Pendant tout l’été la « crise agricole » a fait les unes de l’actualité.

Faut-il être surpris de cette énième crise agricole ? Sans remettre en cause le marasme actuel dans l’ensemble des productions. Car les crises que traversent les productions animales sont intenses et violentes pour de nombreux éleveurs.

Il y a un an à peine, le secteur du lait se portait bien. Mais les prix se sont effondrés ! L’arrêt des quotas
et une demande mondiale moins  forte ont entraîné la chute du marché. Pourtant, les producteurs ont été incités à investir pour produire encore plus. Avec les prix actuels, ces récents investisseurs, et plus particulièrement les jeunes, se retrouvent en grande difficulté…

Face à d’autres producteurs européens, les producteurs de porcs français sont peu organisés. Des carcasses et des jambons moins chers alimentent les industriels (en provenance d’Allemagne, Pays
Bas, Espagne). Des abattoirs européens ont des coûts de main d’oeuvre moins élevés. Les cours sont aussi impactés par l’embargo russe de 2014 (sanitaire dans un premier temps et suite à la crise ukrainienne)…

Du côté de la viande bovine, le marché est engorgé et la consommation a tendance à baisser… De plus, la FCO ne va certainement pas faciliter le retour à des cours plus fermes.

Sur le terrain, la libéralisation du monde agricole transforme de plus en plus nos voisins en concurrents,
que ce soit pour l’écoulement des productions ou pour le contrôle du foncier. Au détriment des plus
« fragiles »…

Dans cette ambiance générale très morose, des aides se mettent en place. Mais sans résoudre les problèmes sur le long terme.

Face aux mots d’ordre de plus de compétitivité, plus d’exportations et plus de modernisation, l’agriculteur
a-t-il d’autres alternatives ? Cela passe peut-être par plus de solidarité et de collectif dans les filières ? Cela passe aussi par des investissements, certes nécessaires, mais qu’il convient de maîtriser pour qu’ils soient des leviers et non plus des fardeaux difficiles à porter dès que la conjoncture s’inverse ? Dans un environnement économique devenu si volatil, même « les gros et modernes » peuvent disparaître !  Malgré tout, certains (éleveurs aussi) tirent leur épingle du jeu, la morosité économique n’étant pas généralisée…

L’agriculture peut-elle se satisfaire de la voie actuelle du libéralisme et de l’industrialisation ? Ne faut-il
pas réfléchir ensemble à une meilleure maîtrise et répartition des productions (au sein de l’Europe), renforcer le soutien à la qualité (pour répondre à la demande des consommateurs). Bref, à une agriculture certes moins libérale mais aussi moins violente pour les hommes

Vers une agriculture ultra connectée

L’agriculture n’échappe pas à la « révolution » de l’économie numérique : on voit émerger aujourd’hui de nombreuses applications dans le secteur agricole devant permettre une augmentation de la productivité.

L’usage des nouvelles technologies en agriculture a bien évolué depuis l’utilisation du Minitel pour déclarer la naissance d’un veau. Aujourd’hui, les technologies de l’information et de la communication connectent, à tous niveaux, le monde agricole : surveillance et gestion à distance des paramètres de l’exploitation, suivi des performances de l’élevage via les smartphones, cartographie des sols et des cultures, robotisation de la traite des vaches, de leur alimentation, des tâches de nettoyage, surveillance des maladies des cultures par drones… Ces nouveaux services et usages tendent à se développer car ils répondent à des attentes concrètes identifiées par les agriculteurs : optimiser les performances techniques et économiques tout en améliorant les conditions de travail.

Grâce aux réseaux de communication sans fil et aux services internet, les technologies de l’information et de la communication accompagnent maintenant en permanence les exploitants agricoles et leurs collaborateurs, pour la gestion et les décisions techniques, économiques et écologiques. Au coeur de cette évolution, les smartphones et tablettes deviennent les interfaces privilégiées pour les générations actuelles et futures d’agriculteurs.

Le développement d’outils d’aide à la décision, de robots ou de composants robotisés au champ et dans les bâtiments ainsi que la multiplication des outils et services basés sur l’imagerie de proximité (capteurs embarqués sur les matériels roulants, sur des drones,…) ou plus éloignée (imagerie satellitaire) sont là pour répondre aux attentes croissantes d’une agriculture se voulant toujours plus performante, sûre et respectueuse de l’environnement.

Après une longue période d’industrialisation et d’uniformisation des techniques agricoles, l’agriculture a désormais vocation à revenir à une approche plus locale et différenciée grâce à la prise en compte des données sur l’environnement des exploitations. Dans ce sens, les technologies de collecte et de traitement de l’information offrent des perspectives considérables.

La détention et la protection de ces grandes quantités de données générées sur les sols, les plantes, les animaux, les machines et les conditions environnementales est un enjeu majeur. Qui sera propriétaire de ces données ? Seront-elles revendues ? La question est sensible lorsque l’on sait que les données peuvent intéresser les fournisseurs des agriculteurs. Le risque majeur serait de voir les données recueillies auprès des exploitations échapper à la propriété des agriculteurs !

Faut-il pour autant craindre que le métier d’agriculteur puisse devenir à long terme une simple fonction de sous-traitant du propriétaire de ces données collectées ?

Non. L’intuition, le savoir-faire et l’expérience qu’un agriculteur a de son environnement et de son métier joueront toujours un rôle essentiel.

Une ère sans quota

 Le 31 mars 2015, les quotas laitiers se sont éteints après trente et une années de fonctionnement. Avec eux disparaît un des derniers outils majeurs de la gestion des marchés européens. C’est la fin d’une forme de sécurité pour les éleveurs européens. Place à la libéralisation. L’incertitude règne face à un marché mondial extrêmement volatil. Une mesure de politique agricole qui va bouleverser l’activité de milliers de producteurs de lait. Elle pousse à l’agrandissement des exploitations et accentuera la disparition de nombre d’entre elles.

Garantir les prix, éviter la surproduction, ce sont les raisons qui ont poussé en 1984 la politique agricole commune (PAC) à mettre en place les quotas laitiers. L’objectif était de réguler l’offre pour éviter une envolée, ou à l’inverse, un effondrement des prix du lait. Il y a trente ans, la France a fait le choix de préserver la ressource laitière partout sur le territoire, y compris dans des régions dont le manque de rentabilité a pu être stigmatisé par les tenants du libéralisme. En 2003, la fin des quotas fut annoncée à l’horizon 2015. Pourquoi changer de système ? Parce qu’il était jugé trop coûteux et contraire à la concurrence pure et parfaite du marché !

Depuis dix ans, l’évolution est à l’accroissement des effectifs : entre 2000 et 2010, 30 % d’exploitations en moins, avec des troupeaux qui ont augmenté de 30 %. Si la tendance va à l’agrandissement, qu’adviendra-t-il des petites structures ? Les unes grossiront, d’autres s’engageront dans la voie de la valorisation avec une production de qualité à travers le bio et/ou la transformation distribuée par des circuits courts. Et les autres ?

Produire plus signifie plus d’investissements, de charges, de travail. Entre endettement et dégradation des conditions de travail, ne faut-il pas être inquiet ? Les agriculteurs représentent une des catégories professionnelles la plus exposée au burn-out et au suicide.

Sous l’ère des quotas, l’autorité publique régulait le volume de production. Désormais, les entreprises auront la main sur le volume, ce qui rebat également les cartes, avec les négociations de contrats prévues l’an prochain, pour les cinq années suivantes, entre producteurs de lait et collecteurs, coopératives et entreprises privées.

La grande question est de savoir quelles sont les aptitudes de chacun à adapter sa production, une fois libéré du plafond des quotas. Avec quelles conséquences pour le modèle français ? A quelles conditions la diversité et les spécialités régionales peuvent-elles se maintenir une fois le pays engagé dans une course à la concurrence mondiale ? Les investissements qui se multiplient partout en Europe dans des tours de séchage du lait, dont les ambitions sont souvent de servir un marché chinois aujourd’hui très demandeur, seront-ils payants sur le long terme ?

2015, année du climat.

La conférence internationale sur le climat (COP 21) qui se tiendra à Paris en décembre prochain vise à trouver un accord global pour maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C.

La question du changement climatique est au coeur des débats, tant au niveau des négociations internationales qu’aux échelles plus locales. Les prévisions sont alarmantes et les secteurs de l’agriculture et l’élevage sont pointés du doigt comme étant une cause importante du réchauffement climatique.

L’agriculture contribuerait au quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde (en incluant la destruction des forêts). De plus, elle sera fortement impactée par le changement climatique à venir, au risque de ne plus pouvoir nourrir les 9 milliards d’habitants attendus en 2050.

Certaines régions du monde bénéficieront peut-être de conditions climatiques plus favorables, mais, si l’on ne fait rien, les conséquences pour la production agricole mondiale seront globalement négatives.

Deux fronts sont ouverts pour répondre à ces inquiétudes : l’atténuation du changement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation des modes de productions agricoles aux évolutions supposées du climat. La politique engagée par la France en faveur de l’agroécologie semble  aller dans ce sens…

En effet, si l’agriculture contribue au changement climatique, c’est aussi l’un des rares secteurs porteurs de solutions. C’est essentiellement par le captage du carbone que l’agriculture peut, contribuer à cet objectif. Les sols captent et absorbent le carbone, ce qui compense les émissions de l’agriculture, mais aussi d’autres secteurs. L’alimentation animale, la valorisation du bois, la méthanisation, l’évolution des pratiques agronomiques et de fertilisation, etc… sont des pistes d’amélioration permettant également de maintenir le potentiel de production agricole.

La tâche n’est toutefois pas simple, ne serait-ce que pour mesurer ces éléments. Chiffrer les émissions de gaz à effet de serre issues des activités agricoles est complexe et coûteux, du fait de la diversité des  exploitations agricoles, des modes de production, ainsi que des zones géographiques et climatiques.

Dans les exploitations, il faudra à la fois tendre vers plus de sobriété (consommer moins d’intrants pour limiter les gaz à effet de serre) tout en essayant, quand cela est possible, de stocker du carbone.

L’agriculture contribue et subit les effets du changement climatique. Mais elle est aussi une partie de la solution !